Vous lisez tranquillement un livre à votre enfant et vous vous êtes fait surprendre par une phrase ou un visuel véhiculant une représentation « cliché » sur les femmes et les hommes ? Voici quelques solutions qui ont été expérimentées en crèche, en bibliothèque ou par des parents, notamment lorsque les finances ne permettent pas de renouveler le stock d’albums illustrés.
1/ Prendre le temps de lire des ouvrages collectivement et de repérer les schémas traditionnels
La recette ? Trouver 3 compères motivé.es. Lire 3 livres individuellement, si besoin à l’aide de ce guide de décryptage en 9 questions. Prendre des notes. Échanger collectivement. Signaler ensuite (par une gommette orange ?) les ouvrages qui contiennent des textes ou des images inégalitaires ou qui enferment les personnes dans des rôles de sexe. Donner enfin si possible dans ce cas, quelques conseils de lecture sur une fiche en début d’ouvrage.
Exemple de conseil : En fin de lecture, n’hésitez pas à amener les enfants à questionner les rôles de sexe : « pensez-vous que les rôles pourraient être inversés entre ces parents ? ou entre ce frère qui joue dehors avec ses amis et cette sœur qui s’occupe de sa petite sœur à la maison ? … »
Pendant que nous lisons La famille tortue (chez Casterman), les enfants scrutent ces images :
Papa, assis, tranquille, lit son journal en sirotant son café … Maman, débout, a-t-elle ne serait-ce que pris son petit-déjeuner avant de se mettre aux fourneaux et de commencer à « servir » ?
Par ordre (patriarcal et hétérosexué) de préférence : Papa-chef-de-cordée, puis maman (qui veille au grain et interagit avec son fils), puis le fils donc… et en bout de chaîne : la petite sœur.
2/ Se méfier de nos représentations : certains livres simples, récents, au design épuré voire « graphique » peuvent cacher bien des stéréotypes et des inégalités…
La série japonaise de « la famille souris » serait un régal, si on n’y trouvait pas systématiquement des modèles de mères et de grands-mères en charge de la préparation des piques-niques, des dîners de la famille élargie, des corvées de linge etc. … Lorsque nous faisons la lecture aux enfants, je préconise de sauter les phrases qui piquent !! (« Papa marche en tête, c’est lui le guide »).
Idem dans les livres musicaux très prisés par les enfants. Qui joue de la guitare électrique, du piano et de la batterie pendant qu’1 fille danse avec accessoires et jupette ? 3 garçons ! Et soyons attentifs : lorsqu’ils sont animalisés, les personnages masculins y sont hyper-représentés (1 animal fille pour 10 animaux garçons, selon Sylvie Cromer).
A l’inverse, Le Petit pot d’Alfred, paru chez Nathan en 1991, peut paraître un brin passé et donc être pensé comme véhiculant des schémas traditionnels (d’autant que le compte est vite fait : 2 personnages masculins / 0 féminin).
Pourtant qu’il est précieux ! Il donne à voir un papa un torchon à la main, essuyant la vaisselle et apprenant la propreté à son enfant… Rares sont les représentations des hommes prenant en charge les tâches répétées et continues de soin aux enfants ou le travail ménager. Un album montrant un père tout à fait en mesure de faire la vaisselle ET de s’occuper de son fils en même temps… Il faut le garder dans les bibliothèques celui-là !!
3/ Les ouvrages d’une même collection se suivent et ne ressemblent pas…
Pour rester chez Nathan, on peut avoir offert le livre-bijou (à 5 euros) « Mademoiselle Zazie a-t-elle un zizi ? » à 18 enfants – car il réhabilite les zézettes aux côtés des zizis, Zazie y grimpe aux arbres et si nécessaire « se bat aussi bien que les garçons » (même si on se passerait du passage voyeuriste dans les toilettes) –
et descendre d’un étage avec « Zazie attend un bébé ». Bon, Zazie reste espiègle, insoumise et courageuse mais certains livres de la collec’ contiennent des fausses-notes.
Ce n’est pas 1 livre sur le thème de l’anti-sexisme afin de contrebalancer le tout, que l’on attend, mais bien qu’il y ait eu un regard, une vigilance égalitaire AVANT l’édition de chaque ouvrage. Les inégalités de sexe sont de toutes sortes : numéraires, assignation à des rôles (câlins, repas… / travail, jeux extérieurs…), à des places (subordination/commandement), à des environnements (extérieur/intérieur). Et habitué.es à baigner dans une société patriarcale, nous, adultes ne les voyons plus…
Or elles contribuent insidieusement à bâtir les représentations du monde des enfants. Et on le sait les enfants incorporent davantage ce qu’ils et elles observent au quotidien, dans leur famille, à la télé et dans les livres, que les discours…
Alors, à quand la formation des auteur.rices et des éditeur.rices ?
Je recommande :
Le blog de cette bibliothécaire, riche en conseils : Filles d’albums
La liste d’ouvrages généreusement publiée par Adéquation
Pas possible de ne pas mentionner l’équipe des éditions Talents Hauts
Mélanie D
Merci BinOcle que tes lunettes me sont précieuses ! Mon petit garçon de 4 ans vient de me dire après un tour de manège costaud avec mon aîné : « c ‘est normal maman que tu aies eu peur sur le manège, t’es une fille! » Mais où donc a t il pu entendre ça quand on fait attention à nos représentations tous les jours !?